Par Florent Guignard pour rfi.fr – Publié le 6 mars 2022
Le dernier rapport du Giec, publié cette semaine, recommande notamment, pour lutter contre le réchauffement climatique, le développement de l’agroforesterie, l’association des arbres et de l’agriculture. Un défi pour la culture du cacao en Côte d’Ivoire, longtemps responsable de la déforestation.
C’est l’un des pires écocides. En 60 ans, la Côte d’Ivoire a perdu 80% de ses forêts. À cause, notamment, de la culture du cacao, richesse nationale : le pays en est le premier producteur mondial. Mais à quel prix ? La déforestation a fait des ravages, en raison de deux phénomènes.
« D’une part l’apparition de variétés de cacaoyers qu’on appelle « plein soleil’ », mises au point par la recherche agronomique, détaille Alain Karsenty, économiste au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Ces variétés de cacaoyers permettent d’avoir une productivité plus grande, mais exposée au soleil. Le choix a donc été fait d’enlever le couvert forestier. Et le deuxième élément qui est très important, à la fois en Côte d’Ivoire et au Ghana, c’était une concurrence avec les exploitants forestiers. Pour éviter que les forestiers ne viennent au petit matin couper des arbres qui, en tombant, vont détruire une bonne partie de leur culture, les paysans ont décidé qu’ils allaient se débarrasser des arbres avant que les forestiers ne viennent causer des dégâts aux cultures. »
Désormais, toutes les forêts ivoiriennes, celles qui ont survécu, sont protégées, et une loi a mis fin, en principe, à cette guerre entre paysans et forestiers. Les producteurs de cacao sont aussi à présent convaincus de l’intérêt de protéger la biodiversité. « Ils sont tous d’accord aujourd’hui, ils ont compris le danger de détruire la nature avec le changement climatique, affirme Moussa Sawadogo, le président de l’Association des présidents de conseil d’administration de coopératives de café cacao. Avant il pleuvait beaucoup, mais maintenant la pluie se fait rare ; voilà pourquoi la question de replanter et reboiser est cruciale pour les producteurs eux-mêmes. »
Les bienfaits des arbres
On replante donc des arbres en Côte d’Ivoire, dans les champs de cacao. C’est de l’agroforesterie, l’alliance de l’agriculture, des arbres et des animaux, recommandée par les experts du climat dans le dernier rapport du Giec publié le 28 février dernier. « La durabilité d’une cacaoyère va augmenter peut-être de dix ans si c’est du cacao sous ombrage par rapport à du cacao en plein soleil, explique le chercheur du Cirad Alain Karsenty. Et il y a toute l’humidité apportée par l’ombrage qui va être déterminante pour la qualité du cacao. »
Mais alors, quels arbres planter ? « Il est facile de remettre des arbres fruitiers, parce que ça rapporte facilement de l’argent, constate Alain Karsenty. Le problème est de remettre des arbres forestiers, les arbres de la végétation native originelle, et dont on a besoin, que ce soit pour produire du bois, pour stocker du carbone, ou encore grâce aux interactions que l’agroforesterie engendre entre les plants de cacao et certains arbres, des légumineuses, qui peuvent être tout à fait intéressants pour la fertilisation des sols. » Reste à convaincre les producteurs de cacao. Un système d’incitations financières doit être mis en place. L’argent reste le nerf de la guerre du climat.